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Les conséquences du défaut d’assurance obligatoire pour les dirigeants d’entreprise

Le 14 novembre 2011
Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 28 septembre 2010

 

La loi du 4 janvier 1978 a crée un régime d’assurances obligatoires en matière de construction, lesquelles doivent être souscrites au jour de l’ouverture du chantier.

 

Concernant l’assurance de dommage obligatoire, l’article L111-30 du Code de la construction et de l’habitation, reprenant l’article L242-1 du Code des assurances, dispose que la souscription de cette dernière s’impose pour « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction », ainsi qu’au promoteur immobilier (article L 111-31 du code de la construction et de l’habitation).

 

Concernant l’assurance de responsabilité, les articles L 111-28 et L111-29 du Code des assurances imposent à « toute personne physique ou morale dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil » de souscrire une assurance de responsabilité. Les constructeurs y sont par conséquent obligés.

 

Le défaut de souscription de ces assurances – assurance de responsabilité et assurance de dommages – est constitutif d’une infraction, punie de 6 mois d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (article L243-3 du Code des assurances).

 

Par un arrêt en date du 04 janvier 2006, la 3ème chambre civile a estimé que le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommage et de responsabilité n’était pas séparable des fonctions de dirigeant (Cass., 3ème Civ., 4 janvier 2006, n°04-14.731).

 

Par un arrêt important en date du 28 septembre 2010, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue apporter une pierre à l’édifice jurisprudentiel existant, en en menaçant la solidité.

 

Dans cette affaire, M. et Mme X avaient confié à une entreprise de bâtiment, la Société Y, des travaux de rénovation d’un immeuble leur appartenant.

 

Le chantier, qui avait débuté début octobre 2000, avait été interrompu dès la fin du mois de décembre 2000.

Des malfaçons et non finitions avaient en effet été constatées.

 

La Société Y ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, les maîtres de l’ouvrage avaient engagé une action à l’encontre de la gérante de la société, Madame Y, afin que celle-ci soit condamnée à leur payer des dommages et intérêts.

 

En effet, il s’était avéré que la gérante n’avait pas fait souscrire à sa société une assurance couvrant sa responsabilité décennale, privant de ce fait les époux X de la possibilité de voir réparer les dommages de nature décennale qui avaient pu être relevés.

 

La Cour d’appel avait rejeté la demande de M. et Mme X, estimant que l’absence de souscription de l’assurance obligatoire, même constitutive d’un délit, n’était pas séparable des fonctions de dirigeant.

 

La Cour de cassation a cassé cet arrêt, indiquant « qu’il résultait des constatations que Madame Y avait sciemment accepté d’ouvrir le chantier litigieux sans que la Société Y fut couverte par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs ».

 

En effet, la Cour a rappelé que le gérant d’une SARL qui commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice.

 

Il en résulte qu’il est nécessaire de démontrer l’existence d’une faute personnelle détachable ou séparable des fonctions de gérant pour voir la responsabilité civile de ce dernier engagée.

 

Dans pareille situation, la jurisprudence impose que cette faute soit intentionnelle et d’une particulière gravité.

 

Cet arrêt du 28 septembre 2010 est particulièrement important, en ce qu’il semble confirmer une tendance jurisprudentielle entamée récemment par la Chambre commerciale, mais infirmer la position de la 3ème Chambre civile.

 

Il conviendra par conséquent à l’avenir, comme le souligne Marie-Laure PAGES DE VARENNE dans une note parue dans la revue Construction – Urbanisme de décembre 2010, de demeurer attentif à la position que ne manquera pas d’adopter la troisième Chambre Civile de la Cour de cassation, celle-là même qui s’était prononcée en sens contraire le 04 janvier 2006.