Le mariage créé des obligations entre époux, et met notamment à la charge de ces derniers un devoir de secours.
En vertu de ce devoir de secours, lorsque l’un des époux se trouve dans une situation d’impécuniosité, l’autre époux est tenu de lui venir en aide.
Ce devoir passe inaperçu lorsque les époux connaissent une vie conjugale heureuse.
Tel n’est plus le cas lorsque les époux se séparent.
Le devoir de secours retrouve alors toute sa vigueur, et l’époux se trouvant dans le besoin peut solliciter de son conjoint l’octroi d’une pension alimentaire mensuelle, au titre du devoir de secours, laquelle sera fixée en fonction des revenus et charges du débiteur et des besoins du créancier.
Néanmoins s’agissant d’une obligation découlant du mariage, celle-ci prend fin dès lors que le jugement de divorce devient définitif.
Aussi et pour éviter de laisser l’un des conjoints totalement démuni, le législateur a instauré la possibilité de solliciter une prestation compensatoire, laquelle prendra le relais de la pension alimentaire au titre du devoir de secours.
Ces deux mécanismes n’ont néanmoins pas la même finalité, en ce que contrairement au devoir de secours, la prestation compensatoire n’a pas une vocation alimentaire.
En effet la prestation compensatoire a pour objectif de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des ex-époux.
Le législateur n’a prévu aucun calcul mathématique qui permettrait de connaître le montant alloué à titre de prestation compensatoire.
Il y aura lieu afin d’évaluer la somme due à ce titre de se référer à différents critères visés par l’article 271 du Code Civil, critères qui ne sont pas limitatifs.
Le législateur invite ainsi à prendre en considération notamment les besoins de l’époux à qui elle est versée, et les ressources de l’autre, la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leurs qualifications et situations professionnelles etc…
La prestation compensatoire est par principe fixée de manière forfaitaire et, s’il s’agit du versement d’une somme d’argent, elle doit être versée sous forme de capital en un seul versement.
Il peut néanmoins s’agir de sommes que l’époux débiteur n’a pas immédiatement à disposition, de sorte qu’il peut ne pas être en mesure de verser le capital en une seule fois.
Le législateur a ainsi permis d’échelonner le paiement de la prestation compensatoire dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques (mensuels, annuels…).
Enfin, et il s’agit d’un cas exceptionnel qui concerne le thème présent, le magistrat peut ainsi que le prévoit l’article 276 du Code Civil, « à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ».
S’agissant d’une rente qui devra être versée toute la vie du créancier, le législateur n’a pas voulu lui conférer un caractère intangible.
En effet de nombreux évènements peuvent venir modifier le cours d’une vie.
Aussi le législateur a-t-il prévu que la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une des parties, avec cette limitation que la révision ne peut venir augmenter la rente fixée initialement par le juge.
En l’espèce, Monsieur X. et Madame Y. ont divorcé par consentement mutuel en date du 29 septembre 1995.
S’agissant d’un consentement mutuel les époux ont la liberté de définir les modalités, notamment financières de leur divorce, sous réserve d’un contrôle d’appréciation par le juge lors du prononcé du divorce.
Monsieur X. ayant une situation professionnelle et financière plus confortable que Madame Y., ces derniers ont convenu que Monsieur X. verserait à Madame Y. une prestation compensatoire sous forme d’une rente mensuelle de 1000 francs, ce qui avait alors été homologué par le juge.
Néanmoins lors du divorce Madame Y. n’était âgée que de 45 ans, de sorte que Monsieur X. serait tenu de verser la rente de nombreuses années et que la situation des ex-époux pouvait évoluer.
Tel a été le cas.
En effet en 2007 Monsieur X. a fait l’objet d’un licenciement.
Monsieur X. précisait avoir perçu des indemnités ASSEDIC, mais soulignait arriver en fin de droits, de sorte qu’il allait se trouver sans revenu.
Monsieur X. rajoutait que sa compagne assumait l’intégralité des charges du ménage et des besoins de l’enfant commun en bas âge.
Monsieur X. ajoutait que les sommes perçues à titre d’indemnité de licenciement avaient pour partie été investies dans la création d’une société qui s’était avérée déficitaire, de sorte que s’il avait pu récupérer son investissement de départ en cédant ses parts sociales, il avait perdu des sommes importantes en abandonnant le compte courant de la société.
Qu’enfin Monsieur X. expliquait qu’il ne pourrait bénéficier de ses droits à la retraite avant quelques mois.
Monsieur X. ajoutait que la situation de Madame Y. s’était quant à elle améliorée puisqu’elle vivait en concubinage et percevait ses droits à la retraite.
Monsieur X. prétendait qu’un changement important était intervenu dans ses ressources, et dans les besoins de Madame Y. justifiant la suppression de la prestation compensatoire.
Si l’on se reporte à l’article 276.3 du Code Civil permettant au débiteur de la prestation compensatoire sous forme de rente de solliciter la suppression de cette dernière en cas de changement important dans les ressources et les besoins de l’une ou l’autre des parties, la demande de Monsieur X . aurait pu apparaître bien fondée.
C’était oublier que cette règle n’est pas une règle d’ordre public, de sorte que les parties peuvent y déroger, notamment dans le cadre d’un consentement mutuel, ce qui était le cas en l’espèce.
En effet Monsieur X. et Madame Y. avaient réduit les possibilités de révision de la rente viagère en insérant une clause en vertu de laquelle la modification de la rente ne pouvait intervenir qu’en cas de modification substantielle des revenus de Monsieur X. rendant le paiement de la rente difficile ou impossible.
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Il en résulte que le magistrat a de facto écarté l’argumentation de Monsieur X. tendant à démontrer que Madame Y. n’aurait plus les mêmes besoins, se concentrant sur la seule situation financière de Monsieur X.
Le magistrat a relevé que si Monsieur X. avait fait l’objet d’un licenciement, il avait néanmoins perçu de très importantes indemnités de l’ordre de 200 000 €, outre des allocations chômage importantes qui venaient de s’interrompre.
S’agissant de la société créée par Monsieur X., le magistrat rappelait que Monsieur X. avait pu, lors de la cession de ses parts, récupérer l’intégralité de son apport.
Le magistrat relevait par ailleurs que Monsieur X. avait également fait des investissements immobiliers en outre mer.
Enfin le magistrat mettait en exergue que Monsieur X. percevrait très rapidement des sommes mensuelles non négligeables au titre de sa retraite.
Le magistrat a dès lors jugé que Monsieur X. justifiait effectivement d’une modification substantielle de ses revenus depuis la fin du versement de ses allocations chômage, modification qui serait néanmoins nettement tempérée par la perception prochaine de sa pension de retraite.
Le magistrat a en conséquence fait usage d’une possibilité qui lui était accordée, à la demande de Madame Y., à savoir qu’il a diminué le montant de la rente viagère jusqu’à la date à laquelle Monsieur X. puisse prétendre à sa pension de retraite, pour rétablir le montant initial à compter de cette date.
Il en résulte qu’il convient d’être très prudent lorsque, dans le cadre d’un consentement mutuel, l’on opte pour ce type de versement de prestation compensatoire.
En effet en insérant une clause de révision plus drastique que celle prévue par la loi, Monsieur X. a réduit ses possibilités d’obtenir une révision effective.
De fait, si Monsieur X. et Madame Y. avait fait application dans leur convention de divorce des conditions de révision légales, permettant notamment de prendre en considération les besoins de l’ex-époux créancier, Monsieur X. aurait peut-être pu obtenir une suppression de la rente mise à sa charge.
Il convient néanmoins de souligner que ce cas de figure ne concerne qu’une infime partie des couples divorcés, le principe demeurant l’attribution d’une prestation compensatoire sous forme de capital et, ou de rente limitée dans le temps.
De fait il sera rappelé, qu’or le cas du divorce par consentement mutuel, ou les parties sont relativement libres dans les modalités du divorce, le magistrat est dans le cas des divorces contentieux, tenu par décision spécialement motivée de justifier du choix de recourir à l’exécution de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.