La procédure dite de « faillite civile », particularité juridique propre à l’Alsace-Moselle, a été introduite dans ces trois départements par la loi locale du 08 juillet 1879, adoptée par le Parlement d'Alsace-Lorraine.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale et du recouvrement de la souveraineté française sur les territoires de la Moselle et de l’Alsace, constatée par le Traité de Paix de Versailles de 1919, la Commission des lois commerciales a choisi de conserver la procédure de faillite civile en raison de l'inexistence en droit général d'une véritable procédure collective d'apurement du passif d'un débiteur non-commerçant.
Ainsi, a été adoptée la loi du 01er juin 1924, introduisant la législation commerciale française en Alsace-Moselle, laquelle, en son article 22, disposait que les lois françaises concernant la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants s'appliquaient aux débiteurs non-commerçants et à leurs successions, dès lors qu’ils étaient domiciliés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et qu'ils se trouvaient en état d'insolvabilité notoire.
Aujourd’hui, l’article L. 670-1 du Code de commerce, issu de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dispose :
« Les dispositions du présent titre sont applicables aux personnes physiques, domiciliées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et à leur succession, qui ne sont ni des agriculteurs, ni des personnes exerçant une activité commerciale, artisanale ou toute autre activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, lorsqu'elles sont de bonne foi et en état d'insolvabilité notoire. Les dispositions des titres II à VI du présent livre s'appliquent dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles du présent titre.
Avant qu'il ne soit statué sur l'ouverture de la procédure, le tribunal commet, s'il l'estime utile, une personne compétente choisie dans la liste des organismes agréés, pour recueillir tous renseignements sur la situation économique et sociale du débiteur.
Les déchéances et interdictions qui résultent de la faillite personnelle ne sont pas applicables à ces personnes. »
Dès lors, en Alsace-Moselle, les personnes physiques sont accessibles aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.
Seront étudiés dans le cadre du présent article, les conditions d’ouverture de la procédure collective, puis le déroulement de celle-ci.
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I – Sur les conditions d’ouverture de la procédure
En premier lieu, sont seules susceptibles de bénéficier d’une telle procédure, les personnes physiques qui ne sont ni des agriculteurs, ni des personnes exerçant une activité commerciale, artisanale ou toute autre activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, conformément à l’article L. 670-1 du Code de commerce.
Les personnes souhaitant introduire une procédure de faillite civile doivent disposer d'un domicile dans l'un des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle, leur nationalité étant cependant indifférente.
Il doit cependant s’agir d’un domicile véritable, soit du lieu, conformément à l’article 102 du Code civil, où le justiciable « a son principal établissement ».
En second lieu, le débiteur doit être de bonne foi, laquelle est présumée, conformément à l’article 2274 du Code civil.
La mauvaise foi ne peut être soulevée d'office par le juge (Civ. 2ème, 2 juill. 2009, X c/ Y, n° 08-17.355 : JurisData n° 2009-048924), mais son existence peut toutefois être démontrée par les créanciers.
Les Tribunaux estiment que le débiteur est de mauvaise foi au regard du caractère nécessaire ou superflu des dettes contractées, du taux d'endettement, de la dissimulation ou de la minoration du passif en vue de l'obtention d'un prêt personnel, de la personnalité du débiteur (niveau de formation ou spécialité professionnelle), ou encore s’il apparaît que le débiteur a organisé ou aggravé son insolvabilité.
L'ouverture de la procédure de sauvegarde suppose que le débiteur justifie de difficultés financières qu'il n'est pas en mesure de surmonter.
Parallèlement, l'ouverture de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires civils est subordonnée à la démonstration de l'état d'insolvabilité notoire du débiteur à la date du jugement d'ouverture.
Aucune définition légale de l’insolvabilité notoire n’existe.
Robert Schuman, alors député de la Moselle, a tenté, dans le cadre de son rapport présenté à la Chambre le 15 mars 1923, de la définir ainsi : « L'insolvabilité notoire met le débiteur hors d'état de régler ses dettes échues […] elle ne suppose pas nécessairement un excédent des passifs sur l'actif, mais plutôt l'absence durable de ressources liquides. La cessation effective des paiements est un symptôme de l'insolvabilité ».
La jurisprudence, quant à elle, exige que soit caractérisée une situation durablement compromise (Com., 26 nov. 1990, Zimmer : Bull. civ. 1990, IV, n° 197), notamment lorsque des mesures d'exécutions sont demeurées infructueuses, en cas d’arrêt matériel des paiements ou d’insuffisance d'actif.
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II – Sur la procédure
Si l’ensemble des conditions précédemment exposées est rempli, il convient de saisir la Chambre civile du Tribunal de grande instance du lieu du domicile du débiteur, par dépôt au Greffe de la requête et des pièces nécessaires, à savoir :
- Un courrier signé par chacun des requérants, expliquant la situation du ou des débiteurs justifiant l’ouverture d’une procédure collective. Cette demande peut également être faite par requête rédigée par un avocat.
- Un justificatif de domicile dans les ressorts des Cours d’appel de METZ et COLMAR (titre de propriété, taxe d’habitation, taxe foncière, quittances de loyers, factures EDF, UEM, etc.)
- Un extrait d’acte de naissance datant de moins de trois mois, copie du livret de famille.
- Les trois derniers bulletins de paie, documents ASSEDIC ou notifications CAF.
- La copie du dernier avis d’imposition sur le revenu ou du dernier certificat de non-imposition.
- La liste complète des créanciers, comportant l’adresse de ceux-ci, le montant de chaque créance et le total des dettes.
- Tous les actes de poursuites reçus (actes d’huissier, mises en demeure, etc.), les offres préalables de crédit, les contrats de prêt, les jugements intervenus, etc.
- Un inventaire sommaire daté et signé par les requérants des biens immobiliers et mobiliers avec indication de leur valeur (y compris le véhicule automobile, avec copie de la carte grise).
- Pour les anciens commerçants ou artisans, un certificat de radiation du registre des métiers ou du registre du commerce et des sociétés.
- Pour les personnes morales non-commerçantes, un extrait du registre des associations ou un K bis pour les sociétés civiles immatriculées au registre du commerce et des sociétés.
Les parties sont ensuite convoquées, le cas échéant avec leur avocat, devant le Tribunal.
Après avoir vérifié la réunion des conditions posées par l'article L. 670-1 du Code de commerce, celui-ci dispose de la possibilité de prononcer :
- La sauvegarde si le débiteur justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter,
- Ou dans l'hypothèse d'une insolvabilité notoire établie, le redressement judiciaire si le débiteur est en mesure d'exécuter un plan d'apurement ou la liquidation judiciaire immédiate dans le cas inverse.
Le jugement d'ouverture de la procédure collective produisant des effets à l'égard du débiteur, des créanciers et plus généralement des tiers, il doit faire l’objet d’une publication au BODACC et dans un journal d’annonces légales.
À peine de forclusion, les créanciers doivent déclarer leurs créances antérieures au jugement d'ouverture au mandataire nommé par le Tribunal, à savoir le représentant des créanciers ou le liquidateur en cas de liquidation judiciaire, dans un délai de deux mois à compter de la publication.
À compter de la date du jugement, les poursuites individuelles et les procédures civiles d'exécution sont interrompues, conformément aux articles L. 622-21, L. 631-14-1 et L. 641-3 alinéa 1er du Code de commerce.
Il est fait interdiction au débiteur de régler les créances nées antérieurement au jugement.
Doit être annulé tout paiement passé en violation de cette interdiction, cette annulation pouvant intervenir à la demande de tout intéressé ou du ministère public dans un délai de trois ans à compter dudit paiement.
De même, il doit être procédé à l'inventaire des biens du débiteur, ainsi que des garanties qui les grèvent.
Au terme des articles L. 620-1 et L. 631-1 du Code de commerce, le jugement de sauvegarde ou de redressement judiciaire ouvre une période d'observation en vue de l'établissement de propositions tendant à l'élaboration d'un plan de nature à permettre l'apurement du passif, cette période étant limitée à six mois, renouvelable une fois.
Il appartient au mandataire judiciaire d'élaborer le projet de plan, étant précisé que le débiteur est en droit de proposer lui-même un plan d’apurement.
Le plan doit organiser, sur une durée maximum de dix années, conformément à l’article L. 626-12 du Code de commerce, l'apurement du passif du débiteur, généralement par le paiement de mensualités de remboursement.
En vertu de l’article L. 626-11, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous et confère un caractère obligatoire aux engagements souscrits.
Ces règles n'atteignent que les créanciers dont la créance a une origine antérieure au jugement d'ouverture et, au contraire, n'affectent nullement les droits de ceux dont la créance est née régulièrement après cette décision.
En cas d’inexécution du plan, le Tribunal, saisi d'office ou par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public, peut en prononcer la résolution et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, à condition cependant que la condition tenant à l'état d'insolvabilité notoire soit satisfaite.
La liquidation judiciaire peut être prononcée immédiatement lorsque le redressement du débiteur en état d'insolvabilité notoire est impossible ou encore après un période de redressement judiciaire, dans l’hypothèse où aucun plan n’a pu être établi.
Les effets engendrés par le prononcé d’une liquidation judiciaire sont multiples :
- Interruption ou interdiction des actions en justice des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement ou qui n'est pas née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité, pendant cette période »,
- Dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux acquis à quelque titre que ce soit tant que la clôture de la liquidation judiciaire n'est pas prononcée. Pendant toute la durée de la procédure, ses droits et actions sont exercés par le liquidateur.
Le liquidateur doit inventorier les biens appartenant aux débiteurs, lesquels peuvent être vendus afin de désintéresser les créanciers.
À l'issue de la procédure, le Tribunal prononce la clôture des opérations :
- Soit pour extinction du passif si l’ensemble des créanciers est remboursé et que les dettes sont éteintes,
- Soit pour insuffisance d'actif, lorsque les liquidités provenant de la vente de l’intégralité de l’actif du débiteur sont insuffisantes pour rembourser les dettes et que le débiteur n’a pas les moyens financiers de les rembourser même partiellement sur une période maximum de dix années.
L’effet principal du jugement de clôture pour insuffisance d'actif consiste dans l'impossibilité pour les créanciers de recouvrer leur droit de poursuite individuel, à l’exception des créanciers dont la créance est née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
À toutes fins utiles, sauf lorsque la procédure est impécunieuse, il ne faut pas perdre de vue que la mise en place d’une procédure collective n’est pas neutre, le mandataire bénéficiant d’un droit fixe de 2 500,00 € HT, auquel s’ajoutent des droits variables et frais de procédure, outre les frais d’avocat.