La SARL P. a acquis un immeuble à METZ, en date du 13 juin 2008.
L’immeuble ayant été placé sous le régime de la copropriété, il a fait l’objet de ventes par lots, un jeune couple, les époux C., s’étant notamment porté acquéreur en date du 12 juillet 2010 d’un appartement situé au dernier étage de l’immeuble et comprenant des locaux sous combles, vendus comme local à aménager.
À ce titre, la venderesse a déclaré, au terme de l’acte de vente notarié, qu’aucune construction ou rénovation ni aucune réalisation d’éléments constitutifs d’ouvrage ou équipement indissociable de cet ouvrage n’avaient été réalisées sur l’immeuble depuis moins de dix ans.
De plus, était joint aux actes de vente un diagnostic technique des bâtiments établi par un cabinet de géomètres experts le 19 mai 2008, conformément aux dispositions de la loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, ce diagnostic indiquant que la couverture de l’immeuble présente un état de dégradation faible à moyenne, nécessitant au pire des cas, d’envisager un traitement localisé de la toiture.
Cependant, peu de temps après la signature de l’acte de vente, les époux C. ont constaté que la couverture de l’immeuble était totalement vétuste, des infiltrations étant apparues dans toutes les pièces de l’appartement.
La copropriété a fait appel à un maître couvreur zingueur qui n’a pu que constater la particulière vétusté de la toiture, laquelle avait déjà fait l’objet de nombreuses réparations, et mettre en œuvre des réparations ponctuelles en urgence.
Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires a saisi le Juge des référés, aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire, demande à laquelle il a été fait droit selon ordonnance du 22 mars 2011.
L’expert a déposé son rapport définitif d’expertise en date du 13 février 2012, relevant en premier lieu qu’un contrat de maîtrise d’œuvre avait été conclu le 21 juillet 2008 entre la SARL P. et Monsieur D., architecte, pour des travaux estimés à la somme de 205 000,00 € HT.
Invitée par l’expert à produire le programme de travaux ainsi que les différentes factures, la SARL P. n’a pas déféré à ces demandes, se contentant de soutenir qu’elle n’avait fait réaliser dans l’immeuble que de menus travaux, telles des reprises de l’électricité des communs ou de la cage d’escalier.
S’étonnant de l’inadéquation existant entre les travaux énumérés par la SARL P. et le montant des travaux à hauteur de 205 000,00 € HT, l’expert a conclu que la mention portée dans l’acte de vente selon laquelle aucun travaux relevant de l’article 1792 du Code civil n’aurait été entrepris dans les dix années précédant la vente était manifestement erronée.
Par ailleurs, l’expert a confirmé l’existence des désordres, ayant relevé que la couverture et la zinguerie étaient dans un tel état de vétusté que le clos et le couvert n’étaient pas assurés, des infiltrations étant apparues dans l’appartement des époux C.
En outre, l’expert judiciaire a relevé que d’importants travaux de modification de la charpente avaient été réalisés, ces travaux emportant modification de la structure de l’immeuble de sorte qu’ils auraient dû faire l’objet d’une vérification par un bureau de contrôle, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Il a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 174 966,61 €.
La copropriété, ainsi que les époux C., ont saisi le Tribunal de grande instance de METZ selon assignation en date du 12 février 2014 dans le cadre d’une procédure à jour fixe, sollicitant condamnation :
- De la SARL P. sur le fondement de la garantie des vices cachés (articles 1641 et suivants du Code civil) et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs (article 1792 du Code civil) ;
- Et du cabinet d’experts géomètres, sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1382 du Code civil).
Le Tribunal de grande instance de METZ a statué selon jugement en date du 04 mars 2015.
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La SARL P. avait soulevé l’exception de prescription, estimant que l’action fondée sur la garantie des vices cachés était prescrite, étant soumise, par application de l’article 1648 du Code civil, à un délai de prescription de deux années, lequel court à compter de la découverte du vice.
Or, en l’espèce, la SARL P. a considéré que les demandeurs avaient connaissance de l’existence des désordres depuis 2010, de sorte que leur action, introduite par assignation du 12 février 2014, serait tardive.
Le Tribunal a écarté cette argumentation, retenant que « la découverte du vice implique la connaissance précise de sa nature et de sa gravité ; que le simple fait que les époux C. se soient plaints de désordres en août 2010 n’implique pas qu’ils avaient une connaissance précise de l’origine et de l’ampleur de ceux-ci, qui seule, matérialise le point de départ du délai d’action ; que cette connaissance ne peut résulter que du dépôt du rapport de l’expert le 13 février 2012 ; que les assignations datant du 12 février 2014, l’action n’est pas forclose ; que les demandes seront déclarées recevables ».
Le Tribunal a appliqué sur ce point une jurisprudence tout à fait classique, la Cour de cassation retenant qu’en matière de vice caché, le délai de l'article 1648 du Code civil court à partir de la date de la découverte du vice par l'acheteur (Civ. 3ème, 14 juin 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 140. – Com., 18 févr. 1992 : Bull. civ. 1992, IV, n° 82), laquelle doit être fixée au jour du dépôt du rapport d'expertise, faisant suite à une procédure de référé, qui porte à la connaissance de l'acheteur la nature exacte et la gravité du vice (Civ. 1ère, 11 janv. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 13. – Civ. 1ère, 19 mars 1991 : Bull. civ. 1991, I, n° 101).
Sur le fond, le Tribunal a retenu que « même s’ils ont pu s’aggraver entre la vente et l’expertise, il n’est pas contestable que les défauts de l’immeuble préexistaient à la vente, que les demandeurs ne pouvaient se convaincre de l’état de la couverture et de l’ampleur du vice de la chose vendue au vu du diagnostic rassurant [du cabinet d’experts géomètres] et avant les devis de réfection, que le clos n’étant pas assuré, les locaux étaient impropres à leur usage et que les demandeurs ne les auraient pas acquis, ou n’en auraient donné qu’un moindre prix, s’ils les avaient connus. Par conséquent la responsabilité de la SARL P. est engagée sur le fondement de l’article 1641 du Code civil ».
Le Tribunal a également rappelé que « le vendeur professionnel est présumé de manière irréfragable connaître les défauts de la chose qu’il vend et ne peut se prévaloir d’une clause de non garantie » figurant dans l’acte de vente, la SARL P. étant, en l’espèce de mauvaise foi, dès lors qu’elle avait fait appel à un maître d’œuvre qui ne pouvait ignorer l’état de la toiture et qu’elle avait refusé de communiquer à l’expert les documents justificatifs des travaux qu’il réclamait.
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Le Tribunal de grande instance de METZ a ici fait application d’une jurisprudence bienveillante à l’égard des acquéreurs de l’immeuble.
Toutefois, le jugement du 04 mars 2015 a fait l’objet d’un appel.
Il convient dès lors de patienter afin de voir si la Cour d’appel de METZ confirmera la position adoptée en première instance.