La SARL X. s’est portée acquéreur en août 2006 d’un fonds de commerce de salon de coiffure, auprès de la SARL Y.
La gérante de la SARL X., âgée de 21 ans exerçait en qualité de coiffeuse au sein du salon, et souhaitait racheter l’affaire à son employeur.
La vente était consentie selon un prix principal de 70 000 €, mais par le biais d’une clause du contrat de vente, la SARL X. demeurait créancière de la SARL Y. a un deuxième titre.
En effet, conformément aux dispositions du code du travail, la SARL X. en achetant le fonds de commerce était tenue de conserver les salariés qui y travaillaient.
En contrepartie une clause du contrat de vente a prévu que le cédant serait tenu de rembourser au cessionnaire, les créances acquises par les salariés au jour de l’entrée en jouissance, à savoir les salaires, congés payés, primes…
Conformément à une clause habituelle des actes de vente, le prix de vente a été séquestré entre les mains du notaire pendant quatre mois, afin de vérifier que le fonds n’était grevé d’aucune inscription, opposition ou empêchement quelconque.
A l’issue de ce délai de quatre mois, l’intégralité du prix de vente a été remise entre les mains du vendeur.
Pour autant la SARL Y., malgré plusieurs demandes de la SARL X. n’a nullement versé à cette dernière les sommes dont elle était redevable au titre de la créance salariale.
Devant cette carence de la SARL Y., la gérante de la SARL X. s’est adressée au notaire ayant rédigé l’acte aux fins d’obtenir ses conseils, en 2008.
Ce dernier s’est alors contenté d’apposer sur l’acte de vente la clause exécutoire, sans procéder à aucune vérification.
Il s’est avéré que la SARL Y. avait fait l’objet d’une dissolution amiable en 2007, de sorte que la SARL X. se voyait dépourvue de toute chance d’obtenir paiement de sa créance salariale, laquelle s’élevait à plus de 7 000 €.
S’est alors posée la question de savoir si la responsabilité du notaire, rédacteur de l’acte pouvait être engagée.
Il sera en effet rappelé, que les Notaires, en leur qualité de rédacteurs d’actes sont tenus à une double obligation.
Ils sont d’une part tenus à une obligation de conseil, de sorte qu’ils se doivent notamment d’attirer l’attention des parties à l’acte sur les dangers de ce dernier.
Ils sont d’autre part tenus d’assurer l’efficacité de leur acte.
La preuve du respect de ces obligations doit être apportée par le Notaire et non par les parties à l’acte.
Or en l’espèce les magistrats ont constaté que le Notaire n’avait à aucun moment, attiré l’attention de la SARL X. du danger d’insérer une clause prévoyant l’existence d’une créance salariale, sans en assurer l’exécution par une clause de séquestre.
De fait une clause de séquestre permet à la partie créancière de s’assurer de l’exécution de son obligation de paiement par le débiteur, puisqu’à défaut de paiement elle pourra retenir le montant du sur les sommes séquestrées entre les mains du Notaire.
Si tous les actes de vente contiennent une clause de séquestre type, en vertu de laquelle le prix de vente est séquestré aux fins de vérifier que le fonds n’est grevé d’aucune hypothèque, cette clause peut parfaitement être modifiée.
Le Notaire aurait du attirer l’attention de la SARL X. sur les dangers de ne pas prévoir une telle clause de séquestre alors qu’elle en avait la possibilité.
En ne le faisant pas, le Tribunal d’Instance a jugé que le Notaire avait manqué à son obligation de conseil et de fait engagé sa responsabilité.
La Cour d’Appel de METZ a confirmé la responsabilité du Notaire, ajoutant que la responsabilité de ce dernier est d’autant plus établie que l’acquéreur d’un fonds, même créancier, n’a pas la possibilité comme les autres créanciers lambdas, de faire opposition sur le prix de vente.
Le Tribunal d’Instance avait alors condamné le Notaire à payer à la SARL X. la somme qu’elle aurait du percevoir de la SARL Y, si elle avait respecté son obligation de paiement.
La Cour n’a pas suivi le Tribunal d’Instance sur le quantum de la réparation.
En effet la Cour d’Appel a jugé que par son manquement, le Notaire avait uniquement fait perdre à la SARL X. une chance de récupérer, auprès de la SARL Y., sa créance de remboursement salariale.
Selon la Cour d’Appel, la SARL X. a contribué à la réalisation de son préjudice, en omettant d’agir pendant plusieurs années, de sorte qu’elle a réduit le montant alloué à la SARL X. à la somme de 3822 € au lieu des 7644.75 € accordés par le Tribunal d’Instance.
Il est dès lors très important avant d’acquérir un fonds de commerce ou un immeuble, de s’assurer auprès du Notaire que toutes les dispositions financières de l’acte pourront être respectées et qu’un manquement d’une partie pourra être palliée par une clause de l’acte.
En l’espèce la Cour d’Appel sanctionne l’acquéreur de ne pas avoir agi avec diligence.