Les époux X. et les époux Y. ont acquis auprès de la SCI Z. deux parcelles contiguës, sur lesquelles ils ont fait construire leurs immeubles.
La SARL L., mandatée par la SCI Z. et assurée au titre de la garantie décennale auprès de la compagnie C., a réalisé les travaux de branchement du réseau d’assainissement.
Il convient d’ores et déjà de préciser que la SCI Z. et la SARL L. ont le même gérant, Monsieur G.
Or, les époux X. et les époux Y. ont constaté des problèmes de refoulement d’égout, les conduites d’évacuation s’étant bouchées.
Une entreprise spécialisée est intervenue et a constaté une insuffisance des diamètres de conduites d’évacuation des eaux usées, mais également que des conduits d’évacuation afférents à l’immeuble des consorts X. étaient communs à ceux de leurs voisins, les consorts Y.
La SCI Z. ayant refusé de procéder aux reprises nécessaires, les consorts X. et Y. ont saisi le Juge des référés et ont sollicité l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire, demande à laquelle il a été fait droit.
L’expert judiciaire a déposé son rapport, lequel confirme qu’il existe, selon la règlementation dont dépendait la commune, l’obligation de mise en œuvre d’un seul branchement eaux usées – eaux pluviales par maison, cette obligation incombant au vendeur, soit, en l’espèce, à la SCI Z.
Les époux X. et les époux Y. ont par conséquent saisi le Tribunal de grande instance de METZ, d’une demande dirigée à l’encontre de la SCI Z., de la SARL L. et de son assureur, la compagnie C.
Or, il s’avère que la SCI Z. s’est transformée en une SARL SCIZ., laquelle est intervenue volontairement à la procédure, puis a fait l’objet d’une liquidation amiable le 28 septembre 2013.
Les époux X. et Y. ont dès lors fait délivrer une assignation en intervention forcée à Monsieur G., gérant et liquidateur amiable de la SARL SCIZ.
La SARL L., qui a réalisé les travaux, a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire, les époux X. et Y. n’ayant pas déclaré leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire.
* * *
Dans le cadre des débats s’étant tenus devant le Tribunal de grande instance et dans le but de solliciter condamnation de la compagnie C. à la garantir, la SARL SCIZ. a tenté de démontrer que la compagnie C. avait expressément reconnu la responsabilité de son assurée, la SARL L.
À cette fin, elle a versé aux débats une correspondance adressée par la compagnie C. à la SARL L., au terme de laquelle l’assureur avait proposé de prendre en charge les travaux de reprise, indiquant que « Un partage clair des responsabilités entre les intervenants n’est pas opéré par l’expert judiciaire. Toutefois, dans l’optique d’une transaction, nous serions disposés à financer une partie des réparations. […] Aussi, nous accepterions sans reconnaissance de garantie d’intervenir à hauteur du montant de votre devis sous déduction du montant de votre devis eaux usées ».
Sur ce point, le Tribunal a retenu que « la SCI Z. [n’a eu connaissance de cette correspondance] qu’en raison de l’identité de dirigeants entre elle et la SARL L. (Monsieur G.). Sa communication dans la présente procédure par la SARL SCIZ. – qui n’en est ni l’auteur, ni le destinataire – constitue une atteinte au principe de la loyauté dans la production des éléments de preuve (étant au surplus constaté que cette lettre ne peut être analysée comme une reconnaissance de responsabilité). En conséquence, elle sera écartée des débats. »
Le Tribunal de grande instance a appliqué ici une jurisprudence tout à fait classique.
En effet, la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière le 07 janvier 2011, a considéré au visa de « l'article 9 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve [...] que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve » (Cass. Ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.316 et n° 09-14.667 : JurisData n° 2011-000038 ; Bull. civ. 2011, ass. plén., n° 1).
Sur la base de cette décision, la jurisprudence a développé un principe général selon lequel toute preuve obtenue à l’insu de l’adversaire est irrecevable en justice.
De même, la partie à laquelle on oppose des lettres confidentielles peut se prévaloir de ce caractère pour demander leur rejet des débats ; il appartient alors à celui qui les produit d'établir, d'abord, que les documents dont il n'est pas destinataire sont venus entre ses mains d'une manière régulière et ensuite, qu'il a reçu l'autorisation de s'en servir, à la fois de celui qui les a écrites et de celui qui les a reçues (CA Lyon, 6 juill. 1922 : DP 1923, 2, p. 163. – Rappr. sur le principe Civ. 1ère, 26 oct. 1965 : JCP G 1965, II, 14435 ; D. 1966, p. 356 ; Gaz. Pal. 1966, 1, p. 43 ; Ann. propr. ind. 1966, p. 100. – CA Lyon, 16 oct. 1951 : JCP G 1952, IV, 85).
En l’espèce, le caractère confidentiel de la lettre adressée par la compagnie C. à la SARL L. ne pouvait être contesté, dès lors que cette correspondance portait sur une proposition de transaction amiable avant toute procédure judiciaire.
Au surplus, la production des lettres même non confidentielles suppose que le destinataire ne s'oppose pas à cette production (Com., 17 mai 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 318).
Enfin, la jurisprudence interdit la production en justice de lettres relatives à des pourparlers de règlement amiable (Civ. 1ère, 1er févr. 1983 : Bull. civ. 1983, I, n° 44. – Rappr. Civ. 2ème, 12 oct. 1982 : Bull. civ.1982, II, n° 282).
Cette règle générale s'impose chaque fois que les pourparlers de règlement n'ont pas abouti à cet accord (CA Reims, 3 juin 1975 : DS 1976, somm. p. 53. – Rappr. CA Douai, 15 juin 1956 : Gaz. Pal. 1956, 2, p. 117 ; JCP G 1956, II, 9512, note G. M. ; D. 1957, p. 97, note Crémieu. – CA Grenoble, 18 déc. 1967 : J. Grenoble 1968, p. 40) et concerne même les courriers échangés en dehors de tout procès, le juge devant alors rejeter la production de telles lettres puisqu'elles constituent le commencement de preuve par écrit d'un engagement (Civ. 1ère, 14 juin 1957 : JCP G 1958, II, 10372).
C’est ainsi à juste titre que le Tribunal de grande instance de METZ a écarté cette correspondance des débats, la responsabilité de la SARL L. n’ayant pas in fine été retenue par le jugement du 11 juin 2014.