En 2001, une SARL spécialisée dans l’emboutissage, dénommée le maître de l’ouvrage, a souhaité procéder à une extension de son usine en créant un hall de stockage et a pour cela fait appel à plusieurs intervenants :
Les travaux ont été entièrement réalisés, payés et ont fait l’objet d’un procès-verbal de réception daté du 31 octobre 2001.
Les réserves formulées ont été levées le 05 février 2002, de sorte que les travaux sont réputés avoir été réceptionnés sans réserve.
Cependant, le maître de l’ouvrage a fait état, au cours de l’année 2007, de l’apparition de désordres affectant le revêtement en enrobés bitumeux sur les zones de voirie contiguës au hall de stockage, ce revêtement étant affecté par un faïençage, un orniérage et quelques trous en formation.
Il a par conséquent saisi le Juge des Référés d’une demande d’expertise, en octobre 2007, laquelle a été ordonnée.
Il convient de préciser que le cahier des charges des travaux prévoyait des épaisseurs de couches de la structure de la chaussée de 80 cm.
Or, les opérations d’expertise ont permis de découvrir que les épaisseurs effectivement mises en œuvre variaient de 28 à 51 cm.
De plus, l’expert a souligné le fait que les désordres existaient uniquement sur la zone de circulation des poids lourds, et non sur la zone de stockage.
Ainsi, l’expert a retenu :
Sur la base de ce rapport, le maître de l’ouvrage a engagé une procédure devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ aux fins de voir condamner in solidum[1], le maître d’œuvre, la société en charge du lot Terrassement et le contrôleur technique à prendre financièrement en charge les travaux de reprise, sur l’ensemble de la surface (donc à la fois sur l’aire de circulation et sur l’aire de stockage).
Les entreprises défenderesses ont avancé que les réserves formulées lors de la réception ayant été levées le 05 février 2002, seuls les désordres relevant de la garantie décennale prévue par l’article 1792 du Code civil étaient susceptibles d’être retenus.
Or, pour relever de la garantie décennale, les désordres doivent compromettre la solidité de l’ouvrage ou, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou d’équipement, le rendre impropre à sa destination.
En l’espèce, deux questions se posaient : les désordres rendaient-ils l’ouvrage impropre à sa destination ou affectaient-ils sa solidité ?
Dans l’affirmative, quelles zones devaient être reprises ?
Par jugement du 1er février 2011, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a jugé que les désordres relevés sur la voie de circulation relevaient de la garantie décennale.
Elle a toutefois précisé que seule cette zone devait être reprise, dans la mesure où elle seule était affectée de désordres.
Dans le cadre de cette décision, le Tribunal s’est appuyé sur les constatations de l’expert et a retenu que le maître d’œuvre n’avait pas porté une attention suffisante pour s’assurer de la conformité de l’exécution des travaux par rapport aux prescriptions du marché dont il était le rédacteur.
Le Tribunal a également précisé que la société chargée des travaux de terrassement n’avait pas exécuté les travaux en conformité avec les prescriptions du marché.
Enfin, le Juge a estimé que le bureau de contrôle n’avait porté qu’une attention très insuffisante quant à la réalisation de la partie des travaux de voirie incluse dans le champ de ses missions, son attention s’étant presque exclusivement portée sur les travaux de construction du hall n° 7, au détriment des travaux extérieurs à celui-ci.
Les sociétés défenderesses ont dès lors été déclarées responsables in solidum des désordres dans les proportions suivantes et condamnées à prendre en charge, compte tenu de ces proportions, le préjudice subi par le maître de l’ouvrage :
Le Tribunal a donc principalement retenu la responsabilité de la société en charge des travaux de terrassement et de voirie.
Cette décision rappelle le principe selon lequel le Tribunal rejette toute demande d’indemnisation pour une non-conformité sans désordre et ce, même s’il est démontré que le contrat n’a pas été respecté.
Il s’agit là d’une jurisprudence constante, la Chambre civile du Tribunal de grande instance de METZ ayant adopté la même décision et écarté les prétentions indemnitaires d’un demandeur dans une espèce identique, alors que les demandes avaient été faites sur le fondement décennal et contractuel.
Cette décision n’est à ce jour pas définitive.
[1] En matière de responsabilité civile, lorsque deux ou plusieurs responsables d’un dommage sont tenus in solidum, la victime peut demander réparation de l'intégralité du dommage à l'un quelconque des coauteurs, lequel devra se retourner contre les autres coauteurs.