Intéressés par les maisons à ossature acier, Monsieur et Madame X ont confié la construction de leur maison individuelle à la Société Y sur un terrain qu’ils avaient acquis.
La société Y a présenté à Monsieur et Madame X, Monsieur Z architecte.
Ce dernier s’est vu confier une « mission de maîtrise d’œuvre de conception » avec établissement du dossier permis de construire et des plans d’exécution à l’exclusion de toute mission d’exécution et de suivi de travaux.
Lors de l’exécution des travaux de construction et notamment lors de la réalisation des terrassements, un problème d’implantation de la maison est apparu.
En effet, l’entreprise de gros œuvre s’est aperçue que si l’ouvrage était implanté conformément aux plans de l’architecte, l’immeuble serait totalement enterré, la toiture étant quasiment au niveau de la route.
Les époux X ont assigné le constructeur ( Société Y) et l’architecte ( Monsieur Z) devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Il s’est avéré lors des premières opérations d’expertise que l’implantation telle qu’elle a été prévue au permis de construire était impossible à réaliser sur le terrain.
Monsieur Z architecte soutient qu’il n’avait à sa charge aucune visite sur le terrain et que, dès lors, le problème de l’implantation relevait exclusivement de l’obligation de la société Y.
Ainsi, se posait la question de l’étendue des missions de l’architecte chargé de la conception de la maison et des responsabilités qui en découlent.
Il convient de rappeler que l’architecte n’est tenu que dans les limites de sa mission.
En effet, la responsabilité de l’architecte se rattache tout d’abord au contrat liant ce dernier au maître de l’ouvrage.
La mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l’architecte peut résulter d’un manquement à son obligation de conseil mais aussi d’une faute dans sa mission de conception et de direction des travaux.
Comme tout professionnel, l’architecte est tenu envers le maître d’ouvrage d’une obligation précontractuelle de renseignement.
Ce devoir de conseil est largement entendu.
Tout d’abord, l’architecte doit vérifier la faisabilité du projet souhaité par son client.
Aussi, la responsabilité de l’architecte peut être engagée en raison d’une faute commise dans la conception de l’ouvrage.
Le vice de conception peut apparaître dès l’élaboration du programme de travaux et consister en une violation d’une disposition légale ou règlementaire ou en une inadéquation du projet au terrain.
C’est sur ce terrain que le Tribunal de grande instance de Thionville s’est placé pour condamner l’architecte.
En effet, dans son jugement en date du 15 juin 2012, le juge a estimé qu’au vu du contrat d’architecte mentionnant « mission de maîtrise d’œuvre de conception » Monsieur Y architecte, chargé de la conception, devait, dans l’élaboration des plans de situation, y intégrer l’implantation de l’immeuble laquelle ne saurait être dissociée artificiellement de la conception.
Il ajoute en outre que les plans établis par ses soins le sont « in situ », avec le dénivelé, ce qui tend à démontrer qu’il avait pris en compte ce paramètre, ou du moins en avait connaissance et devait dès lors, dans le cadre de sa mission, établir les plans en conséquence.
En l’espèce, il est reproché à l’architecte chargé de la mission de maîtrise d’œuvre de conception de ne pas avoir examiné si le terrain permettait la réalisation de la construction de la maison
Autrement dit, l’architecte devait établir ses plans en tenant compte de l’implantation de l’immeuble puisque celle-ci faisait partie de sa mission de conception.
A défaut, il a commis une faute contractuelle à l’égard du maître de l’ouvrage.
Ainsi, le jugement du Tribunal de grande instance est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « L’architecte, tenu à un devoir de conseil envers le maître de l’ouvrage, doit concevoir un projet réalisable…»
(Cass. 3e civ, 25 fév. 1998 : Juris-Data n° 1998-000835 ;RD imm.1998, p.258)
La Cour de cassation avait auparavant initié cette jurisprudence tendant à une conception extensive des missions de l’architecte dans un arrêt du 3 juillet 1996 au terme duquel un architecte a vu sa responsabilité engagée pour défaut d’analyse du sol et du sous-sol alors que ce dernier avait été, à titre gracieux, chargé exclusivement d’une mission de conception.(Cass 3e civ, 3 juill1996, N° 94-16.827, 94-18.377).
Ainsi, les juges tendent à élargir les missions et les obligations de l’architecte ce qui permet en cas de non-respect de ses obligations de rechercher sa responsabilité.