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Quelles sont les règles de la commande publique applicables dans le cadre de travaux de reprise financés par l’assureur Dommages-ouvrage ?

Le 02 juin 2015

Un Centre Hospitalier a commandé des travaux lesquels se sont achevés en 2012.

 

Des désordres, affectant notamment la cuisine, sont apparus rapidement et font l’objet d’une prise en charge par l’assurance Dommages-Ouvrage (Assurance DO).

 

Cette réfection est lourde et entraînera l’impossibilité de produire des repas sur place et, dès lors, l’obligation de recourir à un prestataire extérieur.

 

Les préjudices sont évalués à la somme de 1 000 000 € se répartissant comme suit :

-          700 000 € au titre des travaux de reprise,

-          300 000 € au titre du recours à un prestataire externe pour les repas.

 

Le Centre Hospitalier précise qu’il serait de son intérêt de faire réaliser les travaux par l’entreprise d’origine eu égard à la garantie décennale, au gain de temps et à la TVA (en effet, le Bulletin Officiel de la Direction Générale des Impôts (n° 12 du 20 janvier 1975) permet au constructeur responsable qui effectue de nouveaux travaux, suite aux malfaçons qu'il a commises, de ne pas être redevable de la TVA).

 

Les travaux de reprise doivent-ils ou non faire l’objet d’un nouveau marché public avec mise en concurrence et publicité préalable ? Quid du recours au prestataire externe pour la livraison des repas ?

 

  • S’agissant des travaux de reprise :

 

Le cas d’espèce du Centre Hospitalier répond aux critères de l’article 35 II 5° b) du Code des Marchés publics[1] lequel prévoit que n’est pas soumis à publicité préalable, ni à mise en concurrence, le marché qui répond aux critères suivants :

 

  • le marché complémentaire de travaux qui consiste en des prestations qui ne figurent pas dans le marché initialement conclu,
  • qui sont devenues nécessaires à la réalisation de l’ouvrage tel qu’il est décrit dans le marché initial,
  • à la suite d’une circonstance imprévue, 
  • à condition que l’attribution soit faite à l’opérateur économique qui a réalisé cet ouvrage,
  • lorsque ces travaux, bien que séparables de l’exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son parfait achèvement,
  • le montant cumulé du marché complémentaire ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal.

 

Les circonstances imprévues sont constituées par des phénomènes irrésistibles et extérieurs aux parties, excédant les vicissitudes de la vie économique (CAA MARSEILLE, 02 octobre 2008, n° 07MA00016, DESLAUGIERS)

(Par ex. : une nouvelle réglementation, dont le contenu ne pouvait être connu au moment de la passation du contrat.

En revanche, ne constituent pas une circonstance imprévue : une sous-estimation du marché initial, une carence au moment de la détermination de l’objet du marché, un comportement fautif de l’une des deux parties, une évolution prévisible).

 

  • S’agissant du recours à un prestataire externe pour les repas :

 

L’application du même article semble compromise, à moins de confier la réalisation des repas à l’entreprise de travaux…

 

Cependant, l’article 35 II 1° du Code des marchés publics[2] exonère l’entité adjudicatrice de publicité et de mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et n’étant pas de son fait[3].

 

Le recours à l’urgence impérieuse doit être explicitement motivé.

 

L’urgence impérieuse peut notamment résulter des circonstances visées aux articles L 1311-4 du Code de la Santé Publique (CSP) (en cas de danger ponctuel imminent pour la santé publique), et L 1331-24 du CSP (lorsque l’utilisation qui est faite de locaux ou installations présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants).

 

En pratique, les mesures qui s’imposent doivent être prises dans les meilleurs délais.

 

À mesure que l’on s’éloigne de la date des évènements imprévisibles, la nécessité de réaliser des travaux ou de commander des prestations de service présente de moins en moins le caractère d’un cas d’ « urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles », et il pourrait être fait grief à l’acheteur public de ne pas avoir organisé une procédure d’appel d’offres classique ou sur le fondement de l’urgence simple.

 

Par ailleurs, le Ministère de l’Économie a, lors d’une réponse ministérielle à un député, indiqué :

« Sur un plan général, en matière d’indemnisation de sinistres, les compagnies d’assurances développent de plus en plus des prestations de réparations en nature qui permettent d’offrir à l’assuré un service complet. De telles solutions sont autorisées par le code des assurances qui n’interdit pas que la prestation due en cas de sinistre soit effectuée en nature. Dans un tel cas, le choix du réparateur n’implique en aucune façon l’application du code des marchés publics. En effet, il ne s’agit que de l’exécution du contrat d’assurance, la réparation intervenant sous la responsabilité de l’assureur sans que des fonds publics soient exposés. Cette prestation n’est en effet que la contrepartie de la prime, dont le montant est un des éléments du marché public d’assurance qui ont été pris en compte lors de la procédure de mise en concurrence »

(Rép. Min. Éco. à la question écrite n° 46503 du Député DEROSIER, J.O.A.N. 07 mai 2001).

 

Cette position impliquerait de laisser la passation des marchés de travaux pris en charge par l’assureur lequel indemniserait « en nature » l’assuré qui, pour sa part, ne serait pas contraint de respecter la procédure de publicité et de mise en concurrence pour lesdits marchés.

 

Cependant, une telle solution n’est pas applicable en matière d’assurance Dommages-Ouvrage laquelle, en pratique, verse une indemnité mais ne répare pas en nature.

 

Dès lors, les travaux de reprise répondant à l’article 35 II 5° b du Code des Marchés Publics ne contraindront pas la personne publique a entamé une nouvelle procédure de passation de marché avec publicité préalable et mise en concurrence.

 

En revanche, le problème des consécutifs connexes n’échappera pas à une telle procédure.

 

[1] Art. 35 II 5° du Code des marchés publics :

« Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous.

(…)

II.- Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence :

(…)

5° Les marchés complémentaires de services ou de travaux qui consistent en des prestations qui ne figurent pas dans le marché initialement conclu mais qui sont devenues nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue, à l'exécution du service ou à la réalisation de l'ouvrage tel qu'il est décrit dans le marché initial, à condition que l'attribution soit faite à l'opérateur économique qui a exécuté ce service ou réalisé cet ouvrage :

a) Lorsque ces services ou travaux complémentaires ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur ;

b) Lorsque ces services ou travaux, quoiqu'ils soient séparables de l'exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son parfait achèvement.

Le montant cumulé de ces marchés complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal ; (…) ».

[2] Art. 35 II 1° du Code des marchés publics :

« Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous.

(…)

II.- Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence :

1° Les marchés et les accords-cadres conclus pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n'étant pas de son fait, et dont les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais exigés par les procédures d'appel d'offres ou de marchés négociés avec publicité et mise en concurrence préalable, et notamment les marchés conclus pour faire face à des situations d'urgence impérieuse liées à une catastrophe technologique ou naturelle. Peuvent également être conclus selon cette procédure les marchés rendus nécessaire pour l'exécution d'office, en urgence, des travaux réalisés par des pouvoirs adjudicateurs en application des articles L. 1311-4, L. 1331-24, L. 1331-26-1, L. 1331-28, L. 1331-29 et L. 1334-2 du code de la santé publique et des articles L. 123-3, L. 129-2, L. 129-3, L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. Ces marchés sont limités aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence ; (…) ».

 

[3] Cf. Fiche Pratique de la Direction des Affaires Juridiques « L’urgence dans les marchés publics » : http://www.economie.gouv.fr/daj/urgence