Une association a fait réaliser des travaux de modification et d’adaptation sur un immeuble situé à MONTIGNY LES METZ en 1994.
La société B, assurée auprès de la compagnie d’assurances W au titre de la responsabilité décennale et civile, s’est vue confier le lot démolition, maçonnerie, dallage, canalisations par contrat en date du 05 août 1994.
La réception est intervenue le 13 mars 1995 avec réserves, au titre notamment d’une fissure au sol.
À la suite de ces réserves, des travaux de confortement ont été réalisés.
Selon le maître de l’ouvrage début janvier 2004, une fissure importante serait apparue.
Aucun travaux de reprise n’a cependant été effectué, de sorte que l’association a, selon assignation en date du 18 janvier 2008, saisi Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de METZ statuant en référé d’une demande tendant à voir ordonner une expertise.
Selon ordonnance en date du 08 avril 2008, il a été fait droit à la demande de l’association, Monsieur N ayant été désigné en qualité d’expert judiciaire.
Monsieur N ayant déposé son rapport d’expertise, l’association a saisi la Chambre civile du Tribunal de grande instance de METZ selon assignation en date du 23 octobre 2009, aux fins de voir notamment condamner la compagnie W au paiement des travaux de reprises, ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.
Cependant, la réception des travaux étant intervenue en date du 13 mars 1995 et la compagnie W ayant été assignée en référé par assignation en date du 18 janvier 2008, elle a dans un premier temps soulevé la prescription de la garantie décennale.
En effet, l’Expert a confirmé que les réserves formulées lors de la réception des travaux n’avaient aucun lien avec le litige, de sorte que les désordres relevaient le cas échéant de la responsabilité décennale.
Or, en application de l’article 1792-4-3 du Code civil, tel qu’il résulte de la loi du 17 juin 2008, « les actions en responsabilité contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 [garantie décennale] et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».
Dès lors, toute action au fond à l’encontre de la compagnie W, es-qualité d’assureur décennal, est prescrite depuis le 13 mars 2005, aucune action n’ayant été diligentée à l’encontre de celle-ci avant cette date.
À ce titre, l’association a reconnu au cours de la procédure que l’action fondée sur la responsabilité décennale en tant que dirigée à l’encontre de la compagnie W était prescrite.
Il a parallèlement été soutenu que la responsabilité de la compagnie W pourrait être recherchée en sa qualité d’assureur de responsabilité civile professionnelle de la société B, laquelle entreprise aurait manqué à son devoir de conseil.
Cependant, l’action en responsabilité contractuelle est également prescrite.
En effet, la Cour de cassation considère que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur pour manquement au devoir de conseil ne peut pas être invoquée, quant aux désordres affectant l’ouvrage, au-delà d’un délai de 10 ans, à compter de la réception (Civ. 3ème, 16 oct. 2002 : Bull. civ. III, n° 205, D. 2003, 300, note MALINVAUD).
Aucune action n’ayant été diligentée à l’encontre de la compagnie W avant le 13 mars 2005, date de prescription, toute demande formulée à l’encontre de cette dernière tant au titre de la garantie décennale qu’au titre de la responsabilité contractuelle était dès lors prescrite.
Par ailleurs, à titre subsidiaire, la compagnie W s’est opposée à la demande présentée par l’association, l’objet et l’étendue des garanties souscrites concernant exclusivement la responsabilité civile à l’égard des tiers et des préposés, de sorte que les désordres aux biens, objet, des travaux n’étaient pas garantis.
Le Tribunal de grande instance de METZ a statué selon jugement en date du 02 mai 2012, indiquant que ni la compagnie W ni son assuré n’avaient été tenus informés des désordres objets du litige jusqu’à l’assignation délivrée en janvier 2008, de sorte que la prescription décennale était acquise à leur égard.
De même, le Tribunal a rappelé que « la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur pour manquement au devoir de conseil ne peut être invoquée, quant aux désordres affectant l’ouvrage, au-delà d’un délai de 10 ans à compter de la réception », de sorte que la prescription était également acquise sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
* * *
Par cette décision, le Tribunal a fait application d’une jurisprudence constante selon laquelle le délai de prescription de l’action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, notamment pour manquement à son devoir de conseil, se prescrit par dix ans, le point de départ du délai étant fixé au jour de la réception, comme en matière de responsabilité décennale telle que prévue à l’article 1792 du Code civil.
Ainsi, le demandeur qui n’a pas saisi la juridiction compétente dans le délai de 10 ans pour obtenir indemnisation de désordres de nature décennale, ne peut pas pallier sa négligence en tentant d’engager la responsabilité contractuelle des constructeurs pour manquement à leur obligation de conseil.